Football - Yahiaoui : "J'assume mes erreurs"
Publié le mardi 31 août 2010 à 12H04
L'ancien espoir du centre de formation de l'OM, sans club, se livre enfin. Retour sur un parcours semé d'embûches
Mercredi 11 août, Oslo. Amputée des "putschistes de Knysna", l'équipe de France version Laurent Blanc s'incline en Norvège (2-1). Une rencontre qui marque le retour en force de la "génération 87", celle qui fut sacrée championne d'Europe des moins de 17 ans en 2004. L'espace d'une vingtaine de minutes, Samir Nasri, Hatem Ben Arfa, Jérémy Ménez et Karim Benzema évoluent de nouveau ensemble sous le maillot tricolore. "Quel plaisir de les voir là! Et dire que normalement, je suis positionné juste derrière eux..."
À cette simple pensée, son regard pétille, s'enflamme. Lui ? C'est Ahmed Yahiaoui, capitaine des champions d'Europe 2004. L'adolescent fougueux que l'on avait rencontré cette année-là, sur les terrains de la Commanderie, a laissé place à un jeune homme serein mais marqué par les turpitudes d'un milieu qui ne l'a pas épargné.
Pour beaucoup, Yahiaoui est une comète dans le ciel du football français. Un gamin plein de promesses, destiné au plus grand avenir. Mais au talent gâché par un côté ingérable. "Il faut arrêter avec cette réputation qui me colle à la peau, lâche-t-il. J'ai pu lire et entendre plein de choses sur moi, mais c'est n'importe quoi! Je ne suis pas celui que l'on a dépeint."
Emmuré dans un silence, l'enfant de Félix-Pyat a laissé dire, laissé faire. Persuadé d'être dans la vérité. Sa vérité. "Vous savez, au contraire de Samir (Nasri), mon ami du centre de formation à l'OM, je ne bénéficiais pas d'un entourage familial solide. Je n'avais pas de grand frère, pas de cousin. Mon père, qui n'y connaissait pas grand-chose, était là pour moi même s'il parlait mal français. Mais il est subitement décédé en 2005. Ce fut un choc terrible pour moi, que je n'arrivais pas trop à maîtriser".
Ahmed Yahiaoui ouvre son coeur. L'émotion prend le pas au fur et à mesure qu'il déroule le fil d'une carrière partie tout droit dans un mur. "J'ai fait des conneries, des erreurs, dans le passé. Je les assume aujourd'hui. Mon plus grand tort, c'est d'avoir été une grande gueule. Quand tu as 17 ans et que tu l'ouvres car tu penses que tu as raison, tu te fais écraser. C'est ce qui m'est arrivé. Pour faire ça, il faut être déjà très costaud, ou s'appeler Zidane. Moi, je n'avais rien prouvé. Mais, surtout, j'ai ensuite été très mal conseillé..."
Car Ahmed était avant tout un joueur ambitieux. Trop, sans doute. Là où d'autres se contentent de peu, lui voulait grimper le plus vite possible. "Mais ce n'était pas de la prétention, coupe-t-il. J'ai toujours été un bosseur, je connaissais mes qualités. Mais, à l'OM, les dirigeants n'étaient pas clairs avec moi. Dans les bureaux, c'était : 'Ahmed, on compte sur toi', puis je lisais le contraire dans la presse le lendemain... Moi, je voulais juste qu'on me laisse ma chance".
Par manque de patience et en offrant sa confiance à des oreilles mal intentionnées, Yahiaoui est allé au clash. "Chelsea me voulait, se souvient-il. Moi, je suis Marseillais jusqu'au fond de mes tripes et mon souhait était de rester à l'OM, de réussir dans mon club de coeur. Je n'avais peut-être pas le niveau, mais alors, qu'on me le dise! Après une saison en CFA, j'avais envie de passer à autre chose. Mais rien ne changeait, des joueurs arrivaient à mon poste, et d'autres, moins bons, me passaient devant. Alors, entre s'entraîner à l'OM et jouer avec la réserve, ou s'entraîner à Chelsea sous les ordres de Mourinho, avec des joueurs de classe mondiale, et jouer avec la réserve, le choix est vite fait!"
Sa décision, Ahmed la paiera cher. Lancé dans un bras de fer, il n'ira jamais à Chelsea - qui se rabattra sur le Havrais... Lassana Diarra! - et se forge une réputation qu'il traîne encore aujourd'hui comme un boulet, d'autant qu'il n'a jamais rien tenté pour la démentir. "Des gens qui me connaissent depuis que j'ai 9 ans ont tout à coup décrété que j'avais des problèmes de comportement... J'ai toujours fait ce qu'on m'a demandé, je n'ai jamais raté le moindre entraînement. J'ai même été interne au centre de formation alors que j'habitais juste à côté pour ne me consacrer qu'au foot. Après, oui, il y a eu un rapport de force quand ça n'allait plus. On aurait dû m'expliquer dans un bureau que je faisais une connerie. Au lieu de ça, on m'a laissé faire en traînant mon nom dans la boue, en colportant n'importe quoi."
Le mal est fait. Quand il décide de résilier son contrat qui le liait pendant 5ans à l'OM, Ahmed se rend compte que sa réputation le précède partout en France. Dévoué à des conseillers peu scrupuleux (lire par ailleurs), il prend les mauvaises directions, n'est jamais au bon endroit au bon moment. Une véritable spirale négative qui finit par le sortir du monde pro.
"J'ai fait mon autocritique et j'assume mes erreurs, avoue-t-il. Le milieu du foot m'a dégoûté au point où pendant 6mois, je ne pouvais même plus regarder un rectangle vert... Mais ce sport, c'est ma vie. Je ne sais faire que ça, jouer au foot. Je suis conscient de mes qualités et voir mes potes réussir, ça me redonne de l'envie. Je suis conscient que je vais devoir passer par la toute petite porte pour revenir. J'ai su arrondir les angles concernant mon caractère, j'ai retenu les leçons. Je me sens prêt à revenir". Tout seul, Ahmed s'entraîne pour garder la forme. "Le Parc Borély, c'est mon meilleur ami!", glisse-t-il, l'oeil rieur. Alors que les propositions arrivent, lui préfère prendre son temps. Car, à 23 ans, il sait qu'il n'a plus le droit à l'erreur. Déjà...