SOUVENIRS
11 juin 1909, la terre tremble en Provence
08-06-2009
Catastrophe. Il y a tout juste cent ans, un séisme de magnitude la plus élevée enregistrée en France métropolitaine secouait la région.
“Soudain, tout se mit à trembler. La batterie de cuisine, accrochée aux murs avec ses casseroles en cuivre qui pendaient comme des médailles, se mit en branle. Oscillant dangereusement de gauche à droite. Les meubles se déplaçaient. Nous étions tous atterrés, pensant à un tremblement de terre. Quelques secondes plus tard, des groupes se formaient dans la rue. Hommes, femmes, enfants s’interrogeaient. Et l’on entendit ces cris dans la nuit : Tous aux Pierres Plates… Faites vite !”.
Ces cris sont demeurés gravés dans ma mémoire. Pourquoi cet affolement, alors que les immeubles restaient debout ? C’est que le souvenir récent de Messine et des désastres en Italie hantait encore tous les esprits. Ma mère, en l’absence de mon père, retenu par sa profession, n’hésita pas : “Mes enfants, prenez des couvertures et ouste ! aux Pierres Plates !”. C’est ce que nous fîmes en un clin d’œil. Des centaines de gens nous avaient déjà précédés. Ils portaient des matelas, des couvertures, des “paquets”. J’ai le souvenir d’une petite fille qui serrait une poupée dans ses bras” (1).
Les habitants des vieux quartiers de Marseille ont passé la nuit sur la jetée du port. La secousse a été ressentie depuis Cannes où, selon une dépêche, “La panique s’est emparée de la population et, dans presque toute la ville, les femmes, les hommes et les enfants sont descendus dans les rues et sur les places publiques” (1), jusqu’à Montpellier.
Durant la nuit et le lendemain, en l’absence d’informations, la rumeur va bon train : on parle de 30 000 morts à Nice, la ville d’Aix serait anéantie…
Le 13 juin, les journaux apportent les premières nouvelles : dans plusieurs villes et de nombreux villages, quelques maisons se sont effondrées ; dans d’autres, seules des cheminées se sont abattues, des blocs de rocher se sont détachés pour finir leur course sur une route ou dans un champ.
“A Tarascon, les cloches des églises ont tinté. La vieille horloge de l’église Saint-Jacques qui ne fonctionne plus depuis quelques années, a sonné les heures les plus diverses pendant toute la nuit et jusqu’à samedi 7 heures du matin” (2).
De Salon à Rognes
Mais le nord-est des Bouches-du-Rhône est la zone la plus touchée : Rognes, St-Cannat, Lambesc, Vernègues, Pélissanne où l’on a cru que la poudrerie de Saint-Chamas venait de sauter, Salon…
A Salon, “Des femmes, des enfants, des hommes surpris dans leur premier sommeil, se réveillèrent effarés, sortirent de leurs logements à demi-vêtus, emportant vite le strict nécessaire ; tout le monde sort des maisons et précipitamment quitte la ville ; la place de la Liberté, la place Thiers, la place Gambetta et autres endroits à découvert sont convertis en véritable campement ; les wagons vides de la gare P.L.M. sont pris d’assaut pour y passer la nuit ; des omnibus rapidement attelés transportent des gens dans la plaine de la Crau ; c’est une panique effrayante, toutes les maisons sont vidées en un clin d’œil ; chacun porte sur son visage l’empreinte d’une vive angoisse. L’anxiété et la crainte règnent partout, on sent la désolation la plus grande” (2).
Selon des témoins, à Lambesc, “Toute une population surprise par le tremblement de terre (…) court affolée dans les rues. Ici, c’est une femme serrant dans ses bras son enfant nu et appelant à grands cris son mari. Là, c’est un homme demandant du secours pour retirer son père, sa mère, son frère et ses deux sœurs qui sont sous les décombres, dans le quartier du Castellas” (1).
A Rognes, “Au milieu de la nuit, les tristes nouvelles se colportent : il y a un mort dans telle maison, dans telle autre une morte. Là, dans une maison en angle, toute une famille est enfermée ; plus haut, quelqu’un agonise ; ici, ce sont des appels désespérés ; là plane un silence de mort. De temps en temps, c’est la chute d’un toit ou d’un mur, puis le silence et la nuit recouvrent toute chose de leur voile de mystère (…), En grande majorité, les maisons sont lézardées. Ceux qui n’en ont plus regardent, les yeux vagues, ces amas de pierres et de poutres qui furent la leur, là où leur père et leur mère rendirent le dernier soupir. Ils cherchent à sortir des décombres leurs meubles, les instruments de leur travail et un autre exode commence, celui des choses après celui des êtres”